La rencontre qui opposait, dimanche 12 juillet, Le Havre AC (HAC) et le Paris SG (PSG) au stade Océane du Havre (Seine-Maritime) restera dans l’histoire. Preuve s’il en est : les billets pour y assister se sont écoulés en à peine une poignée de minutes, malgré des prix jugés exorbitants par de nombreux supporteurs de la formation hôte. « J’étais sur le site, pile-poil à 16 heures pour ne pas les manquer », raconte Gilles, 30 ans, maillot blanc du club parisien sur les épaules, venu avec un ami.
Pas moins de soixante-dix journalistes, dont plusieurs représentants de médias internationaux, ont fait le déplacement pour couvrir ce match. « C’est dingue : on a même reçu un coup de téléphone d’un Brésilien pour savoir s’il nous restait une chambre », s’amuse le réceptionniste d’un hôtel modeste du nord de la ville.
Pierre Wantiez, le directeur général du HAC, se félicitait d’ailleurs quelques jours plus tôt dans un entretien au quotidien Le Parisien du nombre de demandes d’accréditations émanant de la presse étrangère : « C’est assez révélateur de la curiosité qu’il y a autour de cet événement, enfin… de ce match. »
Le lapsus en dit long, car, la rencontre amicale opposant l’ogre de la capitale, champion de Ligue 1, au doyen des clubs français, pensionnaire de Ligue 2 depuis une dizaine d’années, ne revêtait aucun enjeu sportif. L’événement, en l’occurrence, se situait… dans les tribunes de l’enceinte bleue flamboyant du stade Océane, avec la présence de spectateurs.
La présence du public « est une victoire pour le football français, le sport en général », s’est réjouie la ministre déléguée aux sports, Roxana Maracineanu, qui assistait au match aux côtés de l’ancien premier ministre et maire du Havre, Edouard Philippe.
« C’est surtout pour retourner au stade. Ça fait longtemps, là… »
Car, paradoxalement, avec ce Le Havre-PSG, la France, qui a été le seul pays d’Europe de l’Ouest à mettre un coup d’arrêt définitif à la saison 2019-2020 de son championnat de football à cause de l’épidémie de Covid-19, est aussi le premier pays du « Big Five » – France, Angleterre, Allemagne, Espagne et Italie – à briser la règle du huis clos en vigueur dans les stades.
« C’est un peu ridicule, souffle Gilles, le visage rond et le regard doux. On a pris une décision précipitée, on a arrêté trop tôt. Mais bon, ce qui est fait est fait. »
Bien sûr, voir leur équipe défier les stars parisiennes, comme Neymar ou Mbappé, donnait, selon les supporteurs havrais, du sel à la rencontre. « On serait venus quand même, mais c’est vrai que, face à Paris, c’est encore mieux », glisse Christopher, 35 ans, abonné du HAC depuis vingt ans, accompagné de sa fille Savannah, 10 ans, tous deux équipés de masques noirs et de jerseys des « ciel et marine ».
Qu’importe aussi le score sans appel sur lequel les deux équipes se sont quittées : 0-9 pour le PSG, avec des buts d’Icardi (8e, 19e), Neymar (21e, 43e), Mbappé (29e), Gueye (51e), Sarabia (53e, 62e), Kalimuendo (59e).
« Une telle affiche, ça n’arrive pas tous les jours ici, rigole Karim, la vingtaine, visage émacié, jogging bleu et chaussettes de sport apparentes sous des claquettes de piscine. Mais on ne va pas se mentir, hein, c’est surtout pour retourner au stade. Ça fait longtemps, là… »
La présence d’un public dans l’enceinte est la conséquence de la levée de l’état d’urgence sanitaire, actée le 11 juillet à minuit, sur le territoire français. Un retour du public certes, mais restreint, car les autorités ne cessent de le rappeler : le virus SARS-CoV-2 continue de circuler dans le pays, où le seuil des 30 000 morts a été franchi vendredi.
« Il n’y a pas plus de danger ici qu’ailleurs »
Sur les 25 000 places que compte le stade Océane, quelque 4 500 seulement ont été mises en vente – la limite de fréquentation de 5 000 étant atteinte avec les personnels de sécurité, de buvette ou encore d’organisation, ainsi que les journalistes.
Dans les gradins, comme aux abords de la pelouse, chacun a été invité à respecter le cahier des charges sanitaires : port du masque obligatoire pour les spectateurs, distanciation sociale et sens de circulation à respecter. En coulisse, à la demande des dirigeants du club francilien, les personnes qui côtoieront les mêmes zones que les joueurs ont dû se plier à deux tests de dépistage (PCR) au Covid-19, par écouvillon et par prise de sang.
« Je n’ai aucune appréhension. Tout est fait pour que nous puissions prendre du bon temps sans risque », glissait, avant la rencontre, Nina, 42 ans, venue pour son fils Ryan, 13 ans, ravi de voir « son équipe de cœur » défier la formation de sa ville. Même son de cloche chez Christelle, 46 ans, et ses deux adolescents Rachel, 13 ans, et Thomas, 12 ans : « Il n’y a pas plus de danger ici qu’ailleurs. Les règles ont été dites, elles sont claires, c’est désormais à nous de les appliquer. »
La fréquentation des stades avait été montrée du doigt au début de la crise sanitaire comme un vecteur de propagation du virus. Le maintien de la rencontre de Ligue des champions entre l’Olympique lyonnais et la Juventus de Turin, le 26 février au Groupama Stadium, alors que l’épidémie commençait à sévir en Lombardie, avait ainsi fait polémique.
« Exactement deux semaines plus tard, on assistait à une explosion des cas de Covid-19 sur le Rhône », soulignait ainsi dans une tribune sur le site de la Fédération des médecins de France le docteur Marcel Garrigou-Grandchamp. L’autorité régionale de santé (ARS) avait contesté cette affirmation en déclarant que « les investigations menées individuellement pour chaque cas de Covid-19 confirmé biologiquement n’ont pas mis en évidence de cas en lien avec le match ».
De nombreux spécialistes italiens estiment, eux, que la rencontre entre l’Atalanta Bergame et le FC Valence, le 19 février, à Milan, avait été un accélérateur de l’épidémie dans la province de Bergame, devenue depuis la plus endeuillée d’Europe. C’est devenu le désormais célèbre « match zéro ».
Après quatre mois sans stade, la « satisfaction » de retrouver les gradins a supplanté toute appréhension. « De toute façon, il fallait bien un jour ou l’autre que ça reprenne », argue Christopher. Et puis, résume Christelle, « ce n’est quand même pas pareil, le football, sans ses supporteurs ». La ministre déléguée aux sports a d’ailleurs entrouvert la porte à une augmentation du nombre de spectateurs autorisés dans les stades au cours de l’été. « Avec les ministres concernés, nous allons porter ce sujet au conseil de défense d’ici une semaine », a-t-elle promis.
July 12, 2020 at 07:53AM
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« Ce n'est quand même pas pareil, le football, sans ses supporteurs » : au Havre, la joie du retour au stade - Le Monde
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