Interrogez un patron de club de football sur le retour des spectateurs dans les stades et vous n’obtiendrez qu’une resucée socratique : « Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien. » A quelques semaines de la reprise du championnat, les dirigeants tâtonnent entre la jauge, les dérogations de jauge et les exceptions locales à ladite jauge.
A Nice, le président Jean-Pierre Rivère doit ainsi composer, en plus de la limite nationale des rassemblements à 5 000 personnes et de ses éventuels assouplissements préfectoraux à compter du 15 août, avec un arrêté de la mairie interdisant les réunions de plus 2 500 individus. « Personne n’a une visibilité parfaite sur ce sujet, a résumé le dirigeant, le 30 juillet, lors d’une conférence de presse. La préfecture vit ça au jour le jour. […] On s’adaptera. On va prévoir plusieurs scénarios. »
Les finales de Coupe de France et de Coupe de la Ligue ont donné un aperçu du triste spectacle qui pourrait régner dans les tribunes une bonne partie de la saison prochaine : une ambiance de quasi-huis clos dans des enceintes boudées par les plus fervents des supporters, opposés au principe de sélection d’une poignée d’élus parmi leurs membres.
Pas vraiment réputé pour la ferveur de son stade Louis-II, l’AS Monaco participe au développement d’un « passeport sanitaire dématérialisé » qui, outre la fourniture d’assurances sur l’état de santé des acteurs d’un match (joueurs, arbitres…), pourrait aussi « contribuer au retour des fans dans de bonnes conditions sanitaires ».
« Ce système certifierait avec exactitude que l’utilisateur est sain en termes d’infection Covid », présente Jeremy Cottino, chef de projet - ou « Head of Project Management Office » - du club monégasque.
Technologie de la « blockchain »
Conçue par la société suisse SICPA, l’application Certus permettrait de contrôler à l’entrée des stades que les spectateurs ont été préalablement testés négatifs au Covid-19 par la présentation d’un SMS, email ou QR code sécurisé.
« Notre travail est de lever de l’incertitude sur la donnée et le processus qui amène cette donnée, entre la personne qui fait le test [un laboratoire] et celle qui l’utilise [un stadier, par exemple], développe Philippe Gillet, responsable scientifique chez SICPA. Notre spécialité est de sécuriser des données que les gens peuvent utiliser à leur guise et de les protéger contre l’intrusion de la vie privée. »
Ce géophysicien, professeur à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, anticipe les interrogations et doutes sur la confidentialité que poserait la généralisation de ce dispositif : « On se situe dans un domaine extrêmement sensible, notamment du point de vue de la sphère privée, avec toutes ces données et leurs problématiques d’éthique et de discrimination. Mais il y a aussi une urgence sanitaire, et à un moment donné il faut aussi trouver un juste milieu. »
Un subtil équilibre entre protection des informations personnelles et impératif sanitaire que la solution Certus, sécurisée par la technologie de la « blockchain », respecte selon Lluis Til-Pérez, médecin chef de l’AS Monaco : « La difficulté avec cette épidémie, c’est de pouvoir échanger des informations sur la santé, tout en respectant la confidentialité. Et là, on a un truc pour connaître l’état des joueurs de l’équipe adverse sans partager toutes les données personnelles. »
Reste au club de la Principauté, mû par une « culture d’innovation » et une « approche citoyenne » - « On n’est pas là pour vendre du SICPA, on n’a aucun intérêt avec eux, on ne va rien gagner dessus » -, à trouver des relais pour souffler la belle idée aux oreilles des décideurs. Et Jeremy Cottino compte sur ses homologues pour passer le mot en haut lieu : « L’idée est d’essayer de sensibiliser les autres clubs à cette approche pour pouvoir ensuite discuter avec les organisateurs du championnat. »
« Le football n’est pas le football sans fans »
La mise en place d’un tel processus de contrôle sanitaire imposerait d’éclairer une foule de questionnements techniques et juridiques : sur le choix de l’application, l’agrément des laboratoires de test, les conditions de récolte et de stockage des informations personnelles… Surtout, il en irait d’un bouleversement de la politique nationale de lutte contre la propagation du Covid-19, en limitant l’accès aux stades à celles et ceux qui prouveraient ne pas en être atteints.
La Ligue de football professionnel (LFP) reste muette sur d’éventuels échanges en la matière. « Le 15 juin dernier, on a transmis, comme les autres ligues, deux propositions de protocoles sanitaires et médicaux au ministère, rappelle-t-on à l’instance. L’un pour une jauge à 30 ou 40 %, l’autre pour une pleine capacité. On devrait avoir un retour des autorités d’ici quelques jours. »
En Angleterre, le chef exécutif de la Premier League, Richard Masters, s’est montré bien plus bavard dans une tribune publiée le 31 juillet dans le Times : « Nous sommes désireux de voir comment nous pourrions soutenir le développement de « passeports sanitaires », un système consistant en une application qui vérifierait tous les symptômes et les autres facteurs caractéristiques du Covid-19. »
Et la recette miracle, rêve-t-il, pour remplir les travées : « Le football n’est pas le football sans fans. La Premier League ne sera pas entièrement de retour tant que nous n’aurons pas de fans supportant leurs équipes dans les stades, et je veux rassurer tout le monde sur le fait que nous faisons tout notre possible pour trouver une manière sûre de permettre cela. »
August 04, 2020 at 11:52AM
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Coronavirus : le football cherche les moyens de sécuriser le retour des spectateurs - Le Monde
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