Sur son bras droit, les tatouages en l’honneur de sa famille ne trompent pas. Anthony Gonçalves a fait de ses proches sa plus belle inspiration. Le milieu axial du Stade Malherbe Caen, 34 ans, se confie longuement sur sa personnalité et ce qui le fait avancer.
Sport à Caen : Tu as laissé une très belle réputation à Strasbourg avant d’arriver à Caen. On imagine que laisser cette trace est quelque chose d’important pour toi ?
Anthony Gonçalves : J’ai toujours été respectueux des gens que j’ai côtoyés. Ça part de mon éducation. J’aime bien quand les relations se passent bien, je déteste les conflits. Autant sur le terrain je peux avoir cette image dure, autant en-dehors je vais essayer d’être celui qui apaise les choses. Les gens pensent que quand je rentre à la maison, je tacle tout le monde (sourire). Pas du tout ! Je suis très tranquille, très léger. Une fois sur le terrain, à l’entraînement ou en match, je deviens quelqu’un qui travaille, qui fait son métier. C’est une autre facette.
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On dit pourtant que le terrain est le reflet de la personnalité…
On m’a déjà dit une fois que le terrain semblait retranscrire toute la souffrance que j’ai eue pour obtenir ce que j’ai actuellement. Mon parcours a vraiment été chaotique en jeune. Quand les collègues à Laval commençaient à avoir des contrats stagiaires, mes parents continuaient à me payer l’internat. On était une famille très modeste. J’ai trois frères, mes parents se saignaient. À partir de là, j’ai toujours foncé dans mon métier. Le fait que je me batte autant pour mes proches a payé. Je sais par où je suis passé pour en arriver là.
Né à Chartres, Anthony Gonçalves est parti à Laval en moins de 15 ans. Passé pro là-bas en 2007, il jouera en Mayenne jusqu’en 2016, essentiellement en Ligue 2. Cette année-là, le milieu axial rejoint Strasbourg en Ligue 2. Il passera trois saisons, dont deux en Ligue 1, en Alsace. Il s’est engagé en faveur de Caen il y a un an et y est sous contrat jusqu’en 2022.
« Quand je perds devant mes parents, j’ai honte »
Cette propension à se bagarrer, c’est une habitude ou c’est toujours la même volonté ?
C’est toujours un moteur. Mon moteur, c’est ma famille. Encore plus maintenant. J’ai deux enfants et j’ai envie qu’ils soient fiers de leur père. Quand je perds et que mes parents et mes frères sont en tribune, j’ai honte comme vous ne pouvez même pas vous rendre compte. J’ai le sentiment de les peiner. Quand on gagne, je sais qu’ils vont être heureux et c’est tout ce qui compte à mes yeux.
Il y a aussi un esprit de compétition bien marqué.
Mon envie de me battre se retranscrit sur le terrain. Si tu me fais des tests physiques ou des challenges de muscu, il faut que je termine premier. J’ai envie de montrer aux jeunes que j’ai beau avoir un certain âge, j’ai encore les capacités physiques de répondre. C’est un challenge avec moi-même. C’est moi. Je suis une tête de lard. Je perds à l’entraînement, je suis énervé. Je boude comme un bébé. Je déteste ça. Le moindre jeu d’entraînement, il faut que je le gagne. Je fais ce que j’ai envie d’inculquer aux jeunes : faire les choses à fond. C’est ce que je dis à mes propres enfants : si tu as tout donné et que tu n’as pas réussi, tu n’as pas de regrets.
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« Je sais ce que c’est d’avoir galéré »
Qu’est-ce qui t’anime le plus en tant que joueur ?
C’est un tout. Il y a forcément l’aventure humaine que tu vis sur une saison. Généralement, elle est intense. Il y a des hauts et des bas, d’où l’importance d’avoir un groupe soudé. Après, ce sont les émotions : le stress d’avant-match, la pression du match, le relâchement à la fin, la joie dans le vestiaire quand ça se passe bien… Au cours de notre seconde vie (l’après-foot, ndlr), on rentre peut-être dans des émotions un peu plus tranquilles. Je suis arrivé à Laval à 16 ans. Si j’arrête à la fin de mon contrat à Caen, j’aurai fait 20 ans de football. Pendant 20 ans, je n’aurai vécu que des émotions intenses. Ce petit piment me manquera. En plus des émotions, il y a aussi ce que tu peux donner aux gens, à commencer par ta propre famille. Je sais quelle mission j’ai pour les miens. Ils vont dire qu’ils sont déjà très fiers, autant aujourd’hui que quand j’avais 16 ans, mais j’ai toujours senti cette responsabilité.
Pourtant, ce n’est pas le joueur qu’ils aiment…
Oui, mais je me suis toujours mis ça en tête. Je sais pourquoi je suis parti. Je ne voulais pas forcément être footballeur au début. On est venu me chercher. À l’école, j’écrivais que je voulais être footballeur, mais c’était parce que mes potes le faisaient aussi. Je me suis pris dans le « truc ». Une chose en entraînant une autre, je me suis retrouvé à Laval. Comme mes parents payaient alors qu’on n’avait pas forcément les moyens, je me suis forgé un caractère et j’ai avancé.
Beaucoup de jeunes pros à Caen ont un début de carrière plus simple…
Là où je peux peut-être apporter quelque chose aux jeunes aujourd’hui, c’est dans le caractère, l’état d’esprit. Je ne vais pas leur apprendre le football. Mais par mon vécu, je peux leur faire comprendre que c’est dur. Je sais ce que c’est d’avoir galéré. Signer son premier contrat pro, ce n’est pas une fin en soi. Je suis peut-être dur avec certains jeunes durant l’entraînement, mais c’est pour les accompagner. Mais quand on joue ensemble, interdiction de les toucher. Je les défendrai toujours.
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« Tout ce que je fais, c’est pour le futur de mes enfants »
Tu évoquais le milieu modeste dans lequel tu as grandi. Quand on devient footballeur professionnel, qu’on gagne beaucoup d’argent, est-ce qu’on a peur de perdre de la tête ou culpabiliser ?
Je sais qu’un euro est un euro. J’ai toujours été très pudique à ce sujet, même vis-à-vis de mes parents. Ils n’ont quasiment jamais connu mes salaires. Quand j’étais enfant, mon père partait au boulot avant que je me lève et je le voyais rentrer cassé en deux parce qu’il avait fait une journée de 6h30 à 19h00. J’ai vu ma mère faire des ménages avant de s’occuper de nous, avec quatre garçons à gérer. Ce sont des choses qui t’apprennent la vie.
Quand tu es bien payé pour exercer ta passion alors que tes proches doivent trimer…
(Il coupe) Ce n’est pas facile de devenir professionnel. J’ai l’impression que les gens l’oublient. C’est super dur. À 16 ans, je ne voulais pas partir de chez moi. Je n’étais pas prêt. Il ne faut pas non plus croire qu’un joueur de Ligue 2 pourra se contenter de ce qu’il aura gagné pendant sa carrière. Il devra aller travailler ensuite. Il faut bien gérer son argent, essayer d’investir… Tout ce que je fais, c’est pour le futur de mes enfants, pour qu’ils aient moins de galères que j’ai pu en avoir. Mais je leur apprends aussi que la vie est difficile. Je veux leur faciliter le chemin pour qu’ils puissent vivre ensuite leur propre expérience.
Peut-être qu’à un moment donné je me suis senti coupable de gagner ma vie. Mais ma famille ne m’a jamais rien fait sentir. Quand je rentre dans ma famille, je ne montre rien à personne. Je dors chez mes parents au quartier et je fais des trucs très simples. Si je m’étais enflammé, je pense que mes frères m’auraient attrapé dans un coin et m’auraient décalqué.
« Je sais pourquoi je cours et pour qui je cours »
Il a fallu parfois que tu luttes pour ne pas tomber dans la frime ?
Non. Quand j’ai commencé à intégrer le groupe pro à Laval, j’étais en-dessous de 800 euros brut. Je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières, mais je touchais les APL. Par contre, sur le terrain, je courais plus que certains. J’ai toujours eu peur que ça s’arrête après mon premier contrat pro. J’avais signé deux ans. Je mettais de côté tout ce que je pouvais. Je n’ai jamais flambé, j’ai toujours pensé à l’après. Mon but est de faire pour mes enfants ce que mes parents ont fait pour moi, me saigner. Je sais pourquoi je cours et je sais pour qui je cours.
Comment imagines-tu l’après-foot ?
J’espère que je ferai un métier qui me plaira, dans le foot pourquoi pas. Je ne pense pas que ce sera entraîneur, parce que c’est pas mal de contraintes. Dans la période de confinement, ce qui m’a fait un peu mal au coeur c’est d’entendre mes enfants me demander si j’allais tout le temps rester à la maison. Tu as l’impression de profiter de tes enfants mais tu n’as pas de week-ends, pas de moments où tu peux un peu t’évader. J’aimerais avoir plus de temps pour les miens tout en faisant un métier que j’aime. Journaliste si tu me laisses la place (sourire). Je pense que j’aurai besoin d’être challengé. Je ne me vois pas dans quelque chose de trop pépère. Je sais que j’affronterai cette deuxième vie comme j’ai affronté la première. Avec détermination.
July 18, 2020 at 03:19AM
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Football - SM Caen. Anthony Gonçalves : "Mon moteur, c'est ma famille" - actu.fr
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